Le stockage du CO2 émis par l’industrie existe depuis 1972 avec la technologie traditionnelle du pompage vers des réservoirs souterrains hermétiques. Une vingtaine de sites sont en activité dans le monde et 25 autres en développement, dont la moitié en Chine, selon le Global CCS Institute. La Presse s’est entretenue avec Stephen Velthuizen, gestionnaire des relations médias chez Shell, au sujet d’un projet-pilote de stockage de CO2 de Shell en Alberta. Quest est le premier projet de séquestration de carbone associé aux sables bitumineux.
Où en est le projet de stockage de CO2 Quest ?
Nous avons atteint le seuil cumulatif de quatre mégatonnes cette année, après quatre années d’activité. Notre entente avec le gouvernement prévoit le stockage de 27 mégatonnes sur 25 ans, alors nous sommes dans les délais. Nous sommes au stade industriel, ce n’est plus un projet-pilote techniquement. Nous pourrions en stocker beaucoup plus : ces 27 mégatonnes ne représentent que de 5 à 7 % de la capacité de la formation géologique en question.
Êtes-vous sûr que le CO2 ne fuit pas vers la surface ?
Il est à 2 km de profondeur, sous quatre couches imperméables, une couche de schiste et trois de sable. Nous surveillons le profil sismique avant et après les injections et, de plus, nous surveillons par laser la surface pour détecter des émissions ainsi que la teneur des eaux souterraines en CO2. Nous avons un contrat de recherche avec le département américain de l’Énergie pour mettre au point ces méthodes de surveillance. Le seul point où le CO2 peut s’échapper est la cheminée d’injection, alors nous concentrons nos efforts sur ce point. Selon les relevés sismiques, le CO2 n’a même pas remonté à la couche de sable qui se trouve sous la couche de schiste. Il forme une belle nappe horizontale de quelques mètres d’épaisseur.
Sous quelle forme le CO2 se trouve-t-il ?
Il forme un « liquide supercritique » à cause de la pression de 10 mégapascals [100 fois plus que la pression atmosphérique]. Il ne se trouve pas dans une caverne, mais dans un roc poreux, une formation géologique qui se trouve juste au-dessus du Bouclier canadien dans le nord de l’Alberta, jusqu’en Saskatchewan.
D’où provient le CO2 ?
D’une unité de transformation du bitume en pétrole à notre site de Scotford. Nous capturons 90 % du CO2 émis par cette unité, qui représente environ le quart des émissions de CO2 de toutes les unités du site.
Pourquoi ne pas capturer le CO2 d’autres unités de Scotford ?
Ça coûte beaucoup plus cher.
Serait-il possible de produire du pétrole à un prix concurrentiel en capturant tout le CO2 émis lors de sa transformation à partir des sables bitumineux ?
Les frais d’exploitation en 2018 étaient de 25 $ par tonne, ce qui n’est pas beaucoup plus que les prix sur les Bourses du carbone. Mais il faut tenir compte des investissements nécessaires [Plus de la moitié des investissements de 1,35 milliard de dollars ont été assurés par une subvention du gouvernement albertain]. En tenant compte de ces investissements, les coûts de la séquestration du CO2 sont passés de 120 $ à 80 $ par tonne depuis les débuts de Quest. En appliquant les leçons de Quest, il devrait être possible de baisser encore les coûts totaux, à 60 $ par tonne environ. Alors la clé est de réutiliser le CO2, soit pour augmenter la production de pétrole dans un vieux puits, soit pour produire des engrais. Il y a aussi des applications pharmaceutiques.